jeudi 15 octobre 2009

I Feel Pretty... Oh So Pretty...


Agglutinés dans le métro, collés les uns aux autres, nos jolis nez retroussés contre vos jolies chemises tachées de sueur, de café et de vieux parfums nicotinés...

Respiration difficile, conversation hasardeuse, les mains qui cherchent un appui incertain, les dos contre les ventres et les genoux qui cherchent à s'implanter dans le sol comme des roseaux souples et solides... Les visages fermés, hagards, les yeux bas, les yeux hauts, les yeux dans le flou, les yeux dans les vitres... Surtout ne pas se croiser des yeux, alors même que nos doigts se croisent sur les barres métalliques, surtout faire semblant de ne pas sentir vos pieds qui nous écrasent, surtout faire semblant de ne pas sentir les coups de rein un peu gênants du monsieur derrière nous..

Trouver sa place, se coller à la vitre qui se referme sur nos sacs rembourrés, chercher à tout prix un moyen d'occuper le temps.

Mettre de la musique dans ses oreilles, se sentir en confiance, comme à la maison, avec son rythme en cadence des rails... Se sentir chez soi entouré de mille et un visages en souffrance... Chacun à se recréer un petit monde bien à soi, un livre, des mots croisés, un portable à la main, de la musique, un journal, un portable encore... Les yeux fermés, chercher sa couette et compter les moutons dans les souvenirs brumeux d'une fin de journée...

Métro, RER, TER, Tram, Bus...
Même combat...

S'endormir sur l'épaule du voisin, ronfler, baver, mouvement brutal de la tête qui se sent elle-même tomber... Secouer par son compagnon de voyage d'une heure, "On est arrivé à Montparnasse!" ou était-ce "Réveille toi grosse connasse!" ?!

S'occuper par tous les moyens pour oublier que pendant une heure ces inconnus vont graver leurs visages dans nos cerveaux lassés.

Écouter les voisins comme des messes basses en chambrées, regarder les jeunes rire fort, entendre des sonneries, regarder les paysages nocturnes qui n'offrent comme seul intérêt que de pouvoir scruter les gens sans se faire voir...

Je souris dans les transports... Je souris aux gens, je les observe, je les croque en mots, je leur imagine une vie, du mouvement, je cherche parfois aussi à les oublier comme tout à chacun, je les regarde à en pleurer de solitude aussi...

Et puis, musique à fond, yeux fermés, je me prépare au show du soir...

Musique enjoué, rythme saccadé, une ambiance relevée dans mes oreilles, je secoue les cheveux, j'entrouvre les yeux à mesure que je lève la tête...

Grand spot sur les lieux, grand champ sur les visages et comme un vieux film, comme un Grease hollywoodien, au rythme de la musique, le show peut enfin commencer...

J'aime à imaginer que nous sommes tous dans une grande comédie musicale...

J'aime à m'imaginer me lever, attraper la barre en experte de pole dance, tourner autour en chantant fort fort fort, toujours plus fort pour couvrir les bruits des rails et que le perchiste son chope bien le timbre délicat de ma voix rauque.

Je danse dans les couloirs, entre les sièges, en attrapant le visage des jeunes, des vieux, des couples et des puceaux boutonneux qui lisent deux trois poèmes en se laissant porter par la berceuse ferroviaire.

Et comme par magie, certains se lèvent pour répondre... Je n'avais pas imaginé que le costaud en costard portait un piercing au téton ni que le chevelu hard rockeur pouvait reprendre le rôle du castrat de service... A cappella, on se croirait dans une Star Academy au rabais... Deux trois entrechats pour l'ado en jogging, un pas de bourrée pour la mère de famille qui lève le nez de sa liste de courses...

Un Grease à 19h dans un train de banlieue, à troquer le cuir contre la doudoune, la clope avec le stylo, le brushing avec la casquette...
Un West Side Story entre le wagon haut et le wagon bas.
Une histoire d'amour restée sur le quai à qui faire des coucou et des sombres mélodies pleines d'espoir.
Un peu de chaux sur les voies et des tenues rouges portant des sacs blancs, de quoi faire pleurer et amener un peu d'émotion.

Sauter sur ses pieds, danser, déraper entre les wagons, chanter plus fort que les chœurs des voyageurs... Raconter sa journée et ses états d'âme à la manière d'ABBA et envoyer valser nos chaussures sur les contrôleurs...

Je vois les plans séquence orangé des trains au siège en cuir.
Et les roublards qui fument, à qui faire la morale une bonne fois pour toute...
Envoyer de l'argent en l'air pour regarder les pauvres mendiants se battre à grand coup de ticket restau... (comédie musicale politiquement incorrecte pour cyniques avertis)
Foutre des coups de pied chorégraphiés au pervers qui cherche à nous montrer son entrejambe entre deux stations...
Arracher les oreilles du petit con qui ne connait pas l'existence des écouteurs et lui imposer notre musique pour le restant de ses souvenirs...

A chaque fois que je suis assise, debout, accroupie, sur une jambe, en équilibre contre le dos d'une personne,
A chaque fois que je suis bercée, secouée par un moyen de transport collectif,
A chaque fois, je souris...
Et porte-jarretelle, fume cigarette, avant de retourner à mon quotidien, héroïne hollywoodienne, héroïne bollywoodienne, les rails m'offrent mon dernier rôle en société...

Il suffit juste de rêver...

Verrai-je un sourire sur vos visages de voyageurs ce soir ?

1 commentaire:

Unknown a dit…

des sourires dans un trnasoprt en commun? ils sont bien rares mais pas impossible!
as tu eu droit à une de ces raretés?