dimanche 11 octobre 2009

D'anonymes petites vies...


Encore un dimanche soir sur la Terre... Toujours un peu de nostalgie, toujours un fond de déprime... Ravivant d'antiques souvenirs, réveillant dans le réel des nœuds au ventre et des larmes anciennes... Comme une envie mélancolique de se replonger pour quelques instants dans la poussière d'heureux moments enfouis sous des débris d'années...

Encore un dimanche soir sur la Terre... Et fidèle à moi-même, j'en appelle aux pensées d'avant...

Souvenir d'un samedi soir sur la Terre... Quelques années auparavant... Un goût d'hier dans la bouche et le sourire en coin pour les heures, depuis, à en rire...

En retard, à trépigner dans le métro, le visage collé aux portes, j'aperçois à peine mon reflet dans la vitre tant le verre est gras. Période estivale, les mômes ont étalé leurs mains pleines de glace fondue un peu partout.
Les portes s’ouvrent enfin, en un pas je cours déjà, sans rien remarquer, en poussant la foule qui arrive à contre sens. Courir en criant "pardon, excusez-moi ".
Stoppée nette. Devant, un mur. Voie sans issue. La sortie est de l’autre côté. Joli coup. Les gens se marrent sur mon demi-tour. Je traîne les talons, je baisse la tête, un brin minable.
Je suis en retard. Je m'en fous maintenant.

En sueur, devant une porte blindée, je me décide enfin, respiration profonde, à sonner.

Une heure plus tard, les yeux rivés sur mon verre, je maudis la terre entière, maudis la vie, maudis ces couples et me maudis moi-même d’avoir accepté de venir à cette soirée.
Seule sur un canapé, faisant face à six chaises. Chaises non musicales, ça ne tourne pas, ça ne bouge pas, si ce n’est pour échanger des baisers.
Et oui, je suis seule face à trois couples, trois mignons petits couples, trois écœurants petits couples, dégoulinant d’amour et d’ignorance.
La naïveté humaine a six visages et ils sont tous tournés vers moi.

Je ne parviens pas à esquisser un sourire, le visage fermé, je ne relève la tête que pour regarder l’écran de télé allumé que je peux apercevoir entre deux visages. Un match de foot. Un samedi soir. Moi, un samedi soir, devant une vodka orange, un match de foot et six visages souriants qui ne cessent de sourire que pour mélanger leurs salives.

Le débat est lancé… Les petits couples vont s’installer dans leurs appartements respectifs…
Se pose alors la question primordiale (Dieu sait comme on est con quand on est en couple) des meubles de chez Ikea… Le modèle imprononçable… La couleur sur les murs des toilettes… Et la peinture dans la chambre ? Mettre des couleurs différentes dans chaque pièce… Un bel orangé pour la chambre pour le couple de gauche, celui de droite opterait pour un rose pâle… L’évier sympa, et le mobilier de salle de bains où tout le monde s’accorde pour le bleu et les serviettes de bain assorties… Et les toilettes de la couleur du papier cul…
Les hommes rient et parlent gros œuvre. Abattre un mur, faire un bar dans la cuisine… Les joints du carrelage et le parquet rétorque celui du milieu…

A moi, ça me rappelle juste ma propre connerie… A disposer des photos sur les murs de l’appartement que j'ai occupé avec mon ex pour finalement les retirer, il y a quelques semaines, en signe d’adieu à cette vie…
C’est bien beau l’évier et le mobilier que l’on va vider pour quitter cet appartement… C’est bien beau les couleurs pastel dans la chambre et les draps assortis dans lesquels on ne dormira plus jamais… C’est bien beau le choix de l’armoire qui nous aura pris une semaine de peinture pour au final la vider de ses effets, la regarder et savoir qu’elle finira dans un dépôt vente…

Je n’ai rien à dire…

Je m’étire sur le canapé et finis par renverser mon verre… En voilà une excuse toute trouvée pour fuir dans la cuisine. Je finirais par m’asseoir sur une chaise devant l'évier en regardant mon téléphone, espérant qu’un ami appellera pour me secourir…

En revenant dans le salon, les conversations vont toujours bon train autour de l’aménagement des appartements de chacun. Celui du milieu a allumé un joint qu’il fume discrètement pour ne pas avoir à le faire tourner… Atterrée, je suis atterrée…
Et le visage de mon amie tournée vers moi qui sourit faiblement en forme d’excuse de m’avoir conviée. Elle me demandera si je vais bien…
Je regarderais chaque paire d’yeux devant moi, et pesant mes mots, dirais : "Moi aussi, j’ai eu un appartement. Moi aussi j’ai passé mes dimanches après-midi chez Ikea… Une heure pour se garer, deux heures dedans juste à se balader, une demi-heure pour se décider à acheter, et des milliers d’euros qui sont partis dans des meubles en kit montés le soir même avec entrain… Ouais moi aussi j’ai eu ça… et puis voilà, ce soir je suis assise toute seule dans ce canapé. Risible, non ?"

On me rétorquera que chaque histoire est différente et que si la mienne a été un échec la leur n’en sera pas forcément une.
Cette conviction des couples…
Cette haine de voir devant eux la représentation de l’échec d’une vie de couple…
Cette conviction que leur vie de couple à eux, la leur, elle seule, tiendra toute la vie…
Cette conviction que j'avais moi-même au début !
J'aimerais faire cesser ces discours par une banalité sans nom "Je vous souhaite tout le bonheur du monde".
Mais en tout état de cause, je ne le pense pas.
Je souris en pensant au jour où ces messieurs et ces demoiselles viendront en pleurant prendre les photos qu’ils ont mises au mur, viendront récupérer leur brosse à dent en jetant un coup d’œil à ce mur qu’ils avaient peint en riant ensemble un dimanche avant de faire l’amour à même le sol.
Je souris en pensant à toute cette tristesse qui tombera sur leurs épaules.
Je souris en me disant que je suis monstrueuse de méchanceté mais merde j'en ai bien le droit après tout.
La conversation se poursuit sur le coût des travaux dans les appartements. "Mais hé réveillez-vous ! Et si on parlait du CPE… et si on parlait de choses qui concernent l’avenir de chacun ?" Mais non... Je resterai les yeux rivés sur la télévision avant de me décider à finir mon deuxième verre de vodka. Je me lèverai et prétexterai le dernier métro. Je ferai la bise à tous ces amoureux que je ne reverrai jamais. Je dirai au revoir à monsieur parquet, à mademoiselle chambre orange, à mademoiselle feng shui, à monsieur qui va détruire un mur dans sa maison achetée à crédit.
Je quitte l’appartement de mon amie. Elle me raccompagne et, posant sa main sur mon épaule, me dit que ce n’était pas prévu ainsi, que je ne devais pas être la seule célibataire.
Je secoue la tête, ce n’est pas grave… Un ton résigné…

Devant les rails, à la station de métro aérien, je regarde les lumières de la ville… Je n'ai pas couru pour avoir le métro, je n’ai pas couru, j'ai décidé de prendre mon temps, de savourer ma solitude pour regarder les détails de la ville.
Puis, je me suis lassée de cette solitude, j'aurai aimé parler à quelqu’un, j'aurai aimé qu’on passe son bras autour de mon épaule pour me protéger du vent, j'aurai aimé regagner l'appartement décoré par mes mains et prendre la brosse à dent qu’un homme m'aurait tendue…
Mais je suis rentrée chez mes parents sans faire de bruit… J'ai regardé les photos au mur en pensant aux discussions qu’ils avaient dû avoir pour décorer le foyer.

Je ne veux plus jamais aller chez Ikea, je ne veux plus jamais avoir à aller chercher mes affaires dans un appartement qui a été le mien et dans lequel je me suis blessée pour poser des clous au mur, je ne veux plus jamais regarder de croquis de meubles en kit.
Je veux juste écouter de la musique triste.
Dans ma chambre d'adolescente, j'ai fouillé dans une boite.
La première fois depuis que je suis partie de chez moi.
J'ai regardé les sourires figés d’un couple que j'ai formé.
J'ai été comme ceux qui m’ont dévisagé toute la soirée.
J'ai pleuré.
Et je me suis promise de ne plus fréquenter de couples.

En fermant les yeux, en mettant mes boules Quiès, je me suis faite une raison.
Le monde continuera à tourner et l’amour à exister, et ce même si je ne suis plus une des élues…

3 commentaires:

Unknown a dit…

c'est vrai que les gens en couple ont la facheuse manie d'oublier que ce n'est pas le cas de tout le monde parfois

Maistoi aussi tu seras une élue de l'amour.

Carine a dit…

on a tous un peu trop tendance à oublier que l'on peut perdre ce que l'on a... tout comme on a parfois tendance à oublier que l'on peut retrouver le bonheur perdu. ds la vie rien n'est jamais joué d'avance, rien n'est jamais acquis, ni le bonheur, ni le malheur... l'un comme l'autre se travaillent au quotidien.
mais ceci étant, ton texte est un peu ancien non ? tu triches là !!! ;-)

Anonyme a dit…

Mais c'est tellement vrai! Comme c'est du vécu!
De grands moments de solitude que ces soirées en "nombre impair" comme j'aime les appeler ^^
Merci pour la jolie façon dont tu mets les mots sur ces tranches de vie.
Aurélie